Une passion qui remonte à ma petite enfance

Évidemment, dans ma prime jeunesse, pour moi, le travail du bois consistait à avoir toujours un canif dans la poche pour travailler des bâtons, me faire des épées, des arcs et des flèches, des lance-pierres (je n'arriverais pas à dénombrer la quantité de ces objets guerriers que j'ai fabriqués !) et beaucoup de mes jouets... D'ailleurs, très tôt, la légende (?) familiale a raconté que vers 2 ans, alors que je ne maîtrisais pas encore le langage, je passais des heures à enfoncer de gros clous, avec un marteau, dans la paille des chaises et que j'appelais ces fameux clous que je réclamais : des "ailloumes" (toutes les orthographes phonétiquement possibles sont autorisées !).

Mais je reste persuadé qu'il a existé un élément déclencheur, une scène particulière, sensuelle, et profondément inscrite dans ma mémoire : j'ai été fasciné vers quatre ou cinq ans (?) de voir mon grand-père maternel travailler dans une grande pièce servant un peu à tout, pour refaire avec ses outils à mains un des brancards en frêne d'une petite charrette : l'odeur du bois raclé, la vue des longs et fins copeaux qui s'enroulaient et se détachaient de son long rabot (un riflard ou une varlope : je ne sais actuellement lequel de ces deux rabots était utilisé) avec un petit crissement soyeux, feutré, comme si cette opération merveilleuse était facile, chirurgicale et allant de soi... Tout cela m'enivrait réellement et je suis resté longtemps silencieux devant ce spectacle et admiratif devant l'habilité de mon grand-père. Les dés étaient donc déjà jetés ! Et c'était aussi, sans doute, pour élargir les conséquences de cette scène, le début de mon attirance pour tous les outils au tranchant impeccable et permettant un travail de même nature ! Je ne prêterai jamais un de mes ciseaux à bois, gouges, bédanes, etc. à qui que ce soit : c'est comme des stylos plumes ! C'est ainsi, depuis qu'un copain m'a emprunté un jour un large ciseau plat qu'il m'a rendu, selon lui, "en l'état"... mais rouillé après un séjour dehors et après l'avoir apparemment utilisé comme burin : sacrilège, sacrilège ! Idem pour mes machines à bois vis-à-vis des 'amis' qui ne se rendent pas compte que scier-raboter-fraiser pour eux une vieille planche ou une vieille poutre suspecte entraîne la plupart du temps des dégâts aussi pénibles que coûteux ou quand, malgré les promesses et protestations que toutes les vérifications ont été faites, on me croit trop maniaque de ne croire personne sur parole ! C'est donc moi qui décide si c'est faisable ou non, qui vérifie et qui ne laisse surtout pas ses machines entre leurs mains ! Eh bien oui... je suis "maniaque" et "pas prêteur" pour mes outils ! D'autres, tentés de se moquer, le sont bien (sans complexe) pour le ménage, pour leur instrument de musique, leur voiture, etc. Alors, je réclame pour moi CE DROIT !

  • Plus tard, immobilisé plusieurs mois à la suite d'un accident, j'ai découvert – à 11 ans – la fabrication de maquettes en contreplaqué de 5 mm : je me suis mis à 'dévorer' pendant des heures, avec ma petite scie en U (je l'ai toujours chez moi !), mes petites lames et ma vrille pour percer les trous de passage de la lame, des kilomètres de CTP ! Cette passion m'a occupé jusqu'à environ 13-14 ans et quand j'eus fait progressivement le tour des objets très baroques les plus longs et compliqués proposés par les plans en vente à l'époque : je suis passé de la brouette, au moulin à vent, et enfin à une grande maison bourgeoise style "début du 20ᵉ siècle" dont j'ai retrouvé, il y a quelques années, les plans incomplets et très abîmés que j'ai partiellement restaurés (cf. ce lien, accompagné d'explications plus détaillées).
  • Adolescent, j'ai ensuite été attiré par l'aéromodélisme et la fabrication de planeurs en balsa. Vint le moment où, après avoir assemblé et collé toutes les nervures et les couples d'un avion de la deuxième guerre mondiale, je n'eus pas le courage de masquer cette superbe structure en bois avec le papier de soie fourni dans le kit : je savais bien qu'en entoilant mon Spitfire, je serais logiquement tenté de le faire voler, ce qui revenait à dire... de le casser ! J'ai compris alors que j'aimais, encore plus que le vol lui-même de cet avion, la beauté de sa structure, les alignements des nervures et des couples créant une sorte de charpente avec ses effets de rythmes, de géométries répétitives et harmonieuses : j'ai exactement la même fascination encore aujourd'hui pour le travail réalisé par certains charpentiers (cf. Notre Dame de Paris, etc.) et ceux dits "de marine", avant le bordage de la coque d'un bateau. Je m'aperçois même, en augmentant aujourd'hui cette rubrique, que ce goût pour le graphisme, la beauté géométrique des choses, se retrouve aussi dans beaucoup de mes photos. Bref, je n'ai plus vraiment touché à cette activité après cela, même si elle continue de me fasciner ! Aujourd'hui, si j'étais jeune homme, eh bien, je me tournerais (hélas) résolument vers les drones, mais, cette fois-ci, ce serait sans le plaisir visuel de l'architecture de l'objet !
  • Une étape vers la menuiserie fut franchie quand mes parents eurent la bonne idée de me confier la fabrication de grandes étagères en CTP pour la "chambre des garçons". Ensuite, j'ai commencé à m'intéresser aussi à un vieux coffre en noyer à l'abandon dans un grenier et mangé par les insectes. J'ai entrepris de le restaurer avec des moyens rudimentaires : il est encore chez moi ! J'avais alors de plus en plus envie de fabriquer mes premiers meubles !
  • Très vite, j'ai rêvé bien sûr d'achats de petites machines à bois : j'ai la chance aujourd'hui de posséder un atelier très bien équipé, surtout depuis 2010, époque où j'ai véritablement cassé ma tirelire pour abandonner mon ancien matériel des années 70-80 pour des machines de très bonne qualité (marque autrichienne Hammer, du groupe Felder) : "la retraite, me voilà !" Mais, j'ai eu tout de même beaucoup de mal à me séparer à cette occasion, à la fin 2009, de mon vaillant petit combiné C 210B Lurem qui m'a accompagné si longtemps et que j'ai poussé très/trop souvent très au-delà de ses limites : je me suis consolé en sachant qu'il allait faire le bonheur d'un jeune futur ébéniste du Tarn.
  • C'est en premier cette passion pour le travail du bois qui, depuis quelques années, m'a amené à m'intéresser vivement aux petites machines numériques pour enrichir ma façon de réaliser certaines pièces, évidemment avec la perte du mérite ou de la fierté de la qualité du geste : disons que je suis entré dans un autre univers où il y a un autre plaisir, plus intellectuel : la conception de la pièce sur ordinateur, la programmation de l'usinage. Mais, le plaisir pur de la réalisation manuelle n'est pas tout à fait annulé : il y a toujours des finitions à faire et ma machine ne travaille que sur 3 axes, pour de petites opérations de type essentiellement décoratif, comme c'est le cas avec mon petit graveur laser. Ensuite, jamais de mon vivant, il ne me sera possible de déposer sur une machine pour amateur un stock de planches, d'appuyer sur un bouton, et de voir sortir 'tout fait' un meuble... ce qui est souhaitable...